Rencontre avec...

Coralie Cadene, passionnée d'art et de mode, chargée d'étude des bijoux d'Elsa Triolet.




Quelle est votre formation?

J'ai commencé à étudier à l'ecole des Beaux Arts de Bourges. Au cours de ces trois ans d'enseignement général, spécialisé en sculptures en tissus, j'ai obtenu mon diplôme National Supérieur d'Arts Plastiques.
J'ai ensuite passé le concours de l'Ecole du Louvre. Mon premier cycle concernait l'histoire générale de l'art, spécialité objets d'art car à l'époque il n'y avait pas de cours d'histoire de la mode, ca date seulement de trois ans.
En parallèle j'ai travaillé pendant deux ans au Musée Galliera en charge de l'inventaire de la collection de sacs. C'était ma première approche avec le monde de l'art, et une révélation !
Ensuite j'ai effectué un stage à l'Opéra Garnier dans le domaine du patrimoine des costumes.
J'ai pu découvrir la différence entre les collections mode et les collections des costumes de scène. Ca représentait un rêve pour moi qui adore l'Opéra.


Puis j'ai effectué deux autres stages chez Louis Vuitton toujours dans le domaine du patrimoine.
Dans un premier temps j'étais chargée de la constitution des dossiers d'oeuvres, de l'inventaire des sacs de la collection contemporaine. Vuitton a une grosse politique d'achat d'oeuvres d'art contemporaines, on doit donc faire régulièrement des inventaires pour les rentrer dans la collection. L'entreprise Vuitton a une politique de rachat des malles anciennes.
Dans un deuxième temps, en plus de l'inventaire des chaussures contemporaines, j'ai eu une autre approche de la mode.
Enfin, j'ai travaillé six mois au Musée des Arts Décoratifs en parallèle de mon Master 2.
L'exposition Madeleine Vionnet y constituait un gros fond de robes donné d'elle même. C'était une exposition rétrospective. On a travaillé principalement sur un chantier de restauration des robes et sur la mise en place inédite d'une campagne de nettoyage des robes.J'ai d'ailleurs effectué mon mémoire sur ce sujet.
Et dernièrement j'ai travaillé au sein du Cabinet d'expertises Chombert et Sternbach pendant trois mois. C'est un cabinet en charge de l'expertise de pièces de mode vintage. C'était donc une approche totalement différente puisque c'était dans le domaine du marché de l'art et des ventes aux enchères. Et ca m'a permis de savoir que c'était aussi un bon moyen de se former l'oeil.

D'où vient votre passion pour les bijoux?

J'ai toujours aimé les bijoux. Ca s'est réellement réveillé avec le travail sur l'exposition de Madeleine Vionnet. J'y ai découvert le métier de parurier. Les paruriers travaillent depuis longtemps au service des maisons de haute couture les plus prestigieuses, ils mettent leurs savoir-faire à la disposition des créateurs de mode pour illuminer robes et costumes. Ils sont en quelque sorte dans l'ombre de ces créateurs. Ca a réveillé ma passion pour les bijoux.
Je me suis donc penchée sur les bijoutiers qui ont principalement travaillé pour Madeleine Vionnet.
A l'Opéra notamment j'assistais aux ateliers de création des accessoires, ce qui consiste un véritable travail d'art.
J'aime surtout les bijoux fantaisie. Ce qui est intéressant, c'est qu'il s'agit de bijoux crées à partir de matériaux devant donner l'illusion du précieux. On utilise le strass pour imiter le diamant mais aussi qu'on ne cherche plus le clinquant, l'apparat du bijou de joaillerie.
La naissance du bijou fantaisie apparaît dans les années 1920-1930. Coco Chanel a donné sa chance aux bijoux fantaisie avec le concept de ne plus porter uniquement des diamands.

Bracelet de perles coniques, rosettes en porcelaine. Photo Jean Mourot.




Comment travaillez-vous dans l'expertise et la conservation des bijoux d'Elsa Triolet?

Je vais commencer par une présentation du personnage. Elsa Triolet était un écrivain ainsi que son mari, Aragon. Elle s'est mise à la création de bijoux pendant une période courte de trois ans, à l'entre-deux-guerres. A l'époque elle ne vivait pas de son écriture. Elle a donc crée des bijoux fantaisies avec des matériaux comme de la faïence, du métal, du coton, des boulles de cotillon ou encore du verre. Elle travaillait pour les plus grands avec Elsa Schiaparelli mais aussi avec Lelong et Vionnet.
Ces bijoux ont été donnés à la bibliothèque municipale de Saint Etienne du Rouvray par son mari Aragon qui portait son nom. Personne ne savait quoi en faire. Il fallait attendre un budget et une personne compétente pour assurer le projet !
Maintenant mon objectif c'est la conservation des bijoux. Dans ce travail qui m'est demandé, j'ai pour mission d'adapter mon savoir à des collections presque "oubliées".
On procède d'abord par un pré-inventaire. Il faut lister les bijoux. Puis un constat d'état, c'est une sorte de diagnostique "médical".
Ensuite je dois évaluer le danger, dans le sens de la restauration toujours, et je suis chargée de rechercher les bons spécialistes.
Ensuite toutes les pièces sont prises en photo car elles seront enregistrées dans l'Inventaire des Musées de France.
L'objectif de ce travail c'est à terme, le projet d'une exposition et la mise en valeur des pièces d'Elsa Triolet.
Aujourd'hui j'ai entre les mains cinquante pièces, en plus de dessins et de carnets où sont répertoriés les bijoux.




Y-a-t-il un style Elsa Triolet?

Je ne sais pas si on peut parler de style. Mais Elsa Triolet a réalisé surtout des colliers et quelques bracelets. Son art réside dans la représentation de ces années. C'est à dire son inspiration Arts déco et aussi quelques formes géométriques. Nous avons des bijoux en os et en noix de coco, dont l'influence peut venir de son mari qui était un collectionneur d' arts d'Afrique.


Collier triangles en metal, tubes en porcelaine. Photo Jean Mourot.



Tout est diversifié dans cette collection. Chaque pièce est unique, et pour certaines se sont des prototypes. 


Collier de roses en porcelaine. Photo Jean Mourot.



Collier de perles bleues. Photo Jean Mourot.


La mode est un univers qui fascine et qui effraie en même temps. Comment l'expliquez-vous ?
Ca dépend quel aspect de la mode. Le côté créateur, Haute couture et défilé peut effrayer car ca renvoie à une performance artistique et à la mise en scène du vêtement. Ce qui accentue le côté élitiste. Ca effraie donc dans le sens où on peut y voir que l'inaccessible. Le monde des défilés est éloigné de notre façon de nous vêtir. Il appartient au domaine du luxe. Mais le côté fascinant est valable pour les mêmes raisons: la magie. Car c'est une vraie mise en scène, un vrai spectacle. Finalement le corps disparaît. La Mode a beaucoup évolué en un siècle. Au début du Xxème, on sublimait les corps. Le vêtement et le corps ne faisaient qu'un. Aujourd'hui, tout a changé, il n'y a pas de représentation de la femme. On met en avant la création. La distance est supprimée entre nous et la mode, dans le sens où elle a pris une valeur artistique nouvelle.
Selon vous, quel artiste ou créateur représente le mieux l'union de l'art et de la mode? Pourquoi?
Les créateurs font souvent référence à l'art. Christian Lacroix faisait référence à des tableaux dans ses créations. Il a d'ailleurs étudié à l'Ecole du Louvre, et son mémoire portait sur le costume dans la peinture. John Galliano, plus que tout autre, est le créateur qui allie art et mode. Ils réalisent de vraies mises en scène. Ses mannequins sont des sculptures qui avancent sur le podium. Il synthétise pour moi cette union. Et enfin Alexander Mc Queen a une approche plastique de la mode. Il travaille dans l'extension du corps à travers des artifices comme le corset ou le faux-cul, cela relève du domaine de la performance.
Tous ces créateurs montrent bien la tendance nouvelle qui est de cacher le corps derrière une création.



Aude

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Je suis étudiante en cinéma, j'effectue un dossier d'enquête sur les colliers d'Elsa Triolet. J'aimerais entrer en contact avec Coralie Cadene et lui poser quelques questions. Pouvez-vous m'indiquer où est ce que je pourrais la contacter. Merci d'avance K

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